Dimanche 19 août 2007

20ème TO C

Couper l’alliance

 

« Je suis venu apporter un feu sur la terre » nous dit Jésus selon l’évangéliste Luc.

« Je ne suis pas venu apporter la paix mais l’épée. » nous dit Jésus selon le parallèle matthéen  Mt 10,34

 

Ces deux sentences peuvent nous sembler guerrières et ne pas résonner en nous comme une bonne nouvelle, un évangile.

 

Le récit selon Matthieu est sans doute le plus ancien, écrit dans un contexte juif ; tandis que le plus récent, celui selon Luc, s’adresserait plutôt à des grecs.

Si Luc juge nécessaire de remplacer l’épée par le feu, c’est sans doute que l’épée avait un sens sémitique hermétique aux grecs_ dont nous sommes globalement descendants nous-mêmes.

 

Le mot de l’évangile ma,caira machaira pour désigner l’épée est le même qu’utilise la septante pour le sacrifice d’Abraham/Isaac Gn22,10 ce qui nous plonge dans un contexte sacrificiel et religieux en même temps qu’initiatique : c’est le lieu de la grande épreuve pour Abraham.

 

Abraham pour faire véritablement alliance avec le Seigneur doit sacrifier son fils, doit couper le lien trop affectif et fusionnel qu’il entretient avec son fils. Il doit faire passer l’épée entre son fils et lui comme l’épée était passée entre le fils et la mère pour couper le cordon ombilical.

 

On ne peut suivre véritablement le Seigneur si on ne le place au dessus des liens du sang. Gn2,24 « l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme”

Combien plus doit-il quitter son père, son fils, sa famille pour s’attacher à Dieu! D’où la suite de l’évangile parlant de la division dans les familles: non pas oppositions mais coupures, dépassement des liens du sang.

 

C’est par la coupure, le sacrifice que s’établissent dans le monde sémitique les alliances. Faire alliance se dit :  tyrb trk carat berit i.e. couper une alliance: en coupant en deux l’animal du sacrifice, en rompant le pain, en brisant un morceau de poterie (dont le rapprochement vaut contrat) etc.

 

 

 

Cette conception de l’alliance par coupure était étrangère au monde grec. Luc renonce donc au couteau sacrificiel, à l’épée, au profit de l’image du feu, image certes elle aussi sacrificielle mais surtout symbolique de l’alliance avec le divin: on entretenait le feu sacré dans les temples, dans le temple des vestales à Rome.

 

« Je suis venu apporter un feu sur la terre »

« Je ne suis pas venu apporter la paix mais l’épée. »

 

Jésus est venu faire alliance en son sang, couper l’alliance en son corps avec l’humanité, et il lui tarde que cela soit accompli, que le feu soit allumé.

 

Que l’eucharistie, dans laquelle tout est accompli, allume en nous le feu de son alliance.

 

 

AMEN