Homélie du dimanche 3 mars 2024, 3ème de Carême B : une sainte violence

Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple,

 

Il n’est certes pas dit ici que Jésus se soit mis en colère,

même si ce sentiment ne lui est pas étranger cf. Mc 3.5

cependant on assiste ici à une scène de violence de la part de Jésus.

 

Or Jésus est le saint ; il est sans péché : en conséquence il doit exister une colère et une violence sans péché… Une sainte colère, une sainte violence et peut-être une guerre sainte.

 

1)      Commençons par regarder la cause de l’emportement de Jésus :

Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. »

 

Les parallèles dans les 3 synoptiques disent : « un repaire de brigands !" ».

 

On pourrait croire la colère de Jésus dirigée contre la malhonnêteté des marchands.

Cependant, en neutralisant  la formule, passage de « repaire de brigands » à « maison de commerce », Jean nous invite réorienter notre regard.

Le problème n’est pas tant l’œuvre marchande, qu’elle soit honnête ou non, mais le lieu même du commerce ! « la maison de mon Père », « une maison de prière », le Temple de Jérusalem.

 

La possible colère de Jésus n’a pas une origine morale mais spirituelle. Sa colère n’est pas simplement juste, elle est sainte.

 

Une action n’est sainte que si sa cause l’est, l’est vraiment.

 

Un conflit déclenché sur des motifs fallacieux ne saurait être bon : exemple la guerre  contre l’Irak (mensonge sur des armes de destructions massives) ; l’invasion de l’Ukraine (pour la dénazifier)…

 

2)      Regardons maintenant la manière de faire de Jésus :

Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple,
ainsi que les brebis et les bœufs ;
il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs,

 

Jésus se fit certes un fouet mais il n’est pas écrit qu’il s’en servit directement sur quiconque. Il se contente probablement de brasser du vent et de soulever de la poussière en criant dans une théâtralisation toute méditerranéenne.

Il jette à terre la monnaie et les comptoirs des changeurs mais il ne s’en prend pas physiquement directement à eux.

 

 L’expression de la colère de Jésus s’exprime à travers une violence mesurée, pondérée, proportionnée, sans démesure.

La violence de Jésus n’est pas dirigée contre des personnes mais contre leurs agissements. Elle ne vise pas à faire mal mais à arrêter un mal.

 

Une action violente n’est justifiable que si elle est mesurée, proportionnée, pondérée, sans démesure. Il ne doit pas en résulter un mal plus grand.

 

De ce point de vue là, l’oppression de Gaza est un crime quand bien même la cause (le pogrom du 7 octobre)  et le but d’Israël (principalement la libération des otages) sont légitimes.

 

3)      Ce qui nous amène à regarder aussi le but de l’action de Jésus, aussi appelé cause finale.

 

« Détruisez ce sanctuaire,
et en trois jours je le relèverai. »

 

L’épisode de la purification du Temple trouve toute sa signification dans l’annonce de la Pâques ou plutôt dans la consécration de Jésus comme étant le véritable sanctuaire de Dieu, l’inhabitation de la divinité.

 

Le but de Jésus n’était pas réellement de chasser les marchands du Temple : ils se sont aussitôt réinstallés n’en doutons pas ;

Le but ultime et véritable de Jésus était la manifestation à terme de sa propre divinité.

 

Une action n’est sainte que si son but réaliste l’est.

Réaliste en ce qu’il n’est jamais légitime de mener un combat perdu d’avance : cela ne ferait que rajouter du mal pour rien.

 

Conclusion. Il existe une sainte violence de la part de Jésus :

-          Un motif saint : la profanation du Temple ;

-          Des moyens légitimes : une violence plus symbolique que réelle ;

-          Un but saint : la manifestation du Temple véritable qui est le Christ Jésus.

 

Une question demeure cependant, peut-il y avoir une guerre sainte ?

Peut-être quant aux causes première et finale, mais lorsqu’on a goûté le sang est-on vraiment capable de rester dans la mesure des moyens légitimes ? je crains que cela ne nous soit toujours difficile…

 

Jésus, lui, ne se fiait pas à eux,
parce qu’il les connaissait tous
et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ;
lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme.