Heureux                     

HEUREUX

 

Le mot « heureux » est sans doute malheureusement un des plus galvaudés en ce monde.

 

 

Lorsque j’ai demandé à mon évêque de l’époque à entrer au séminaire, il ne m’a posé qu’une seule question : « est-ce que tu es heureux ? »

Il me refit la même interrogation lors de nos rencontres annuelles suivantes et son successeur n’en eue pas d’autre : « est-ce que tu es heureux ? »

 

Cette question était peut-être la bonne. Dieu nous appelle en effet à être heureux.

 « Heureux », tel est le leitmotiv de Jésus dans son sermon inaugural sur la montagne ; « Heureux », merveilleux résumé de son évangile, de sa Bonne Nouvelle pour nous. « Heureux », magnifique refrain sept fois repris par le beau livre de l’Apocalypse ; « Heureux », programme de notre vie avec Dieu.

 

Et pourtant…

« Heureux », « puisqu’il est heureux alors je suis heureuse » dit la maman lorsque son fils lui annonce son entrée au séminaire, sa conversion au bouddhisme, son mariage avec une telle, ou son penchant homosexuel ! « Puisqu’il est heureux ! »…

 

Et bien non !

Tant que la notion de bonheur est confondue avec celle de bien-être, de plaisir, alors elle est illusoire et vaine. Le seul vrai bonheur, c’est de faire la volonté de Dieu, de conformer sa volonté à la sienne, de pouvoir enfin dire « ce n’est plus moi qui vit, mais le Christ qui vit en moi ».

Là est le vrai bonheur, la seule manière d’être véritablement heureux car Dieu est le but de tout notre être, il nous a créés pour être avec Lui. « Vous nous avez faits pour vous, et notre coeur est inquiet jusqu'à ce qu'il repose en vous. » Augustin, Confessions, 1

 

Cependant afin que ce ne soit plus moi qui vive mais Dieu qui vive en moi, il me faut mourir à moi-même. Il me faut laisser tuer le MOI en moi ; non pas pour n’être plus rien, mais pour devenir JE en Dieu.

 

Or qui dit mourir dit, au moins symboliquement, agonie et souffrance, sacrifice.

Pour vivre de Dieu, il nous faut accepter de donner notre vie comme le Christ a donné la sienne,

Ph 2,6s Lui, de condition divine, ne retient pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix ! Aussi Dieu l'a-t-il exalté

 

Ne croyons pas vivre du Christ en évitant la croix :

Jn 15,20 S'ils m'ont persécuté, vous aussi ils vous persécuteront

Devenir chrétien, devenir le Christ c’est s’offrir en sacrifice avec Lui pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

Rm12 Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu

Cela est difficile, désagréable, crucifiant.

Vécu dans l’amour de Dieu cela n’empêche certes pas la Paix intérieure et une joie profonde. Mais c’est bien loin de ce qui pourrait s’appeler « être heureux » dans le monde.

 

Comme aurait Marie à Bernadette Soubirous, « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse dans ce monde, mais dans l’autre ! » (3ème apparition le 18/02/1858)

 

 

« Est-ce que tu es heureux ? »

J’ai toujours eu des difficultés à répondre à cette question. Je ne cherche pas à être heureux en ce monde « Rien ne saurait me charmer ici-bas, le vrai bonheur ne s’y rencontre pas… » Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face  (Jésus seul, 15/081896)

 

« Est-ce que tu es heureux ? »

Pas étonnant que les séminaires, les couvents, les églises soient vides… Si être heureux est le but ultime en ce monde, ce n’est pas là qu’on le sera à la manière du monde !

 

Malheureusement, la compréhension mondaine du bonheur c’est infiltrée partout. L’idée même de renoncement, de sacrifice, est devenue étrangère et étrange pour beaucoup de chrétiens.

L’eucharistie, résumée et source de notre foi, est souvent devenue un simple repas communautaire au mépris de sa valeur éminemment sacrificielle : pas étonnant alors qu’il n’y est plus de prêtre ; il ne sert à rien de donner sa vie en  sacrifice si le sacrifice qui donne la vie n’existe plus.

 

Pour vivre du Christ, il nous faut réapprendre le sens d’une vie donnée.

Pour vivre du Christ, et donc être heureux.

 

21/06/06