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Les Evangiles

Evangile de Jean

« Evangile de Jésus-Christ attribué  à St-Jean 

 

 

4ème Evangile et dernier des Evangiles reconnus par l’Eglise comme inspirés.

Inspiré = ayant Dieu l’Esprit Saint comme auteur et ne présentant donc aucune erreur sur les vérités de foi nécessaires au salut ; mais étant écrit par des hommes avec toutes les limites de style et de savoir afférentes.

 

4ème Evangile : écrit quand et par qui ?

Le récit n’est pas signé. Le narrateur se présente comme le disciple bien-aimé du Seigneur Jn21, 24 que par déduction et rapprochement avec les Evangiles synoptiques nous pouvons identifier littérairement avec Jean, l’apôtre et fils de Zébédée  (Irénée de Lyon …202).

 

Le narrateur ne dit pas son nom mais l’Evangile ne cite pas non plus les noms de tous les apôtres, ni même celui de la mère de Jésus !

Ces 2 silences, Marie et disciple bien-aimé, sont sans doute les plus chargés de sens : Marie devient la nouvelle Eve  tandis que tout lecteur est invité à devenir lui-même comme le disciple bien-aimé.

Jn19, 26 « Voyant ainsi sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : « femme, voici ton fils. » Il dit ensuite au disciple : « voici ta mère . » Et depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui. »

 

Cependant, Jean, le fils de Zébédée peut-il vraiment être l’auteur humain du 4ème Evangile ?

Ecrit en grec, « Le 4ème Evangile repose sur des connaissances précises des lieux et de l’époques »  ainsi que de l’Ancien Testament et de la piété juive.

Ceci indique un auteur issu de l’aristocratie sacerdotale de Jérusalem (cf Jn 18,15 « connu du Grand Prêtre). Or Jean, fils de Zébédée est un pécheur du lac de Galilée.

Mais cela n’est pas antinomique. « les classes sacerdotales officiaient par roulement deux fois par an, à raison d’une semaine chacune. » Les prêtres le restent du temps retournaient chacun « à ses tentes » et à son métier, les métiers manuels étant d’ailleurs très bien vus. 

 

Jean, selon la tradition,  a été appelé très jeune et serait mort très âgé au point qu’une rumeur est circulée annonçant qu’il ne mourrait pas avant le retour glorieux de Jésus cf Jn 21, 22s ; mais l’écriture de cette rumeur et certains autres passages de l’Evangile (passages en « nous » par exemple) suggèrent cependant plusieurs auteurs et une clôture de l’écriture entre 80 et 110.

La tradition veut que Jean se soit fixé à Ephèse avec Marie d’où il aurait animé la communauté chrétienne dite johannique, le « nous » de la rédaction finale de l’Evangile.

« Chez Jean, le sujet du souvenir est toujours le « nous », il se souvient dans et avec la communauté des disciples, dans et avec l’Eglise » JDN p.257

Jean serait cependant au cœur du 4ème Evangile ainsi que de 1 Jn ; à distinguer du supposé Jean, le prêtre ou presbyteros = ancien de  2Jn1,1 et 3Jn1,1 et du fameux Jean dit de Patmos Ap.

 

A noter que de nombreux membres de la communauté serait d’origine samaritaine (cf Jn 4 La samaritaine)  et la rédaction postérieure à la rupture d’avec le judaïsme d’où une relative stigmatisation des juifs.

 

Contenu :

L’Evangile johannique utilise le rythme des célébrations liturgiques juives cf CE145p7. La plupart des faits et paroles de Jésus coïncidant chronologiquement mais aussi significativement à ces fêtes (ex. Transfiguration et fête des Tentes / On y dénombre 3 Pâques, d’où un ministère publique de 3 ans au lieu d’un seul dans les synoptiques. Tandis que tout dans les synoptiques nous achemine vers la Passion (Thème de la montée), tout le 4ème Evangile se présente comme un grand procès de Jésus ( au point qu’il n’est pas nécessaire de le faire juger par le sanhédrin… une comparution devant Hanne puis Caïphe semblent suffire).

L’Evangile johannique suit ± le rythme des célébrations liturgiques juives ce qui en facilite l’usage liturgique chrétien : Jn n’a pas d’année liturgique propre mais est proclamé tous les ans à Noël, Pâques etc.

A noter que le jeudi saint, pour l’institution de l’eucharistie, on utilise Jn chez qui le dernier repas n’est ni une eucharistie ni un repas pascal puisque Jésus meurt sur la croix à l’heure où on immolait les agneaux pour la Pâques….  Jn semble chronologiquement plus fiable que les synoptiques.

 

Dans les synoptiques, la divinité de Jésus reste largement voilé sous son humanité et transparaît peu à peu à travers de nombreux miracles pour aboutir devant le sanhédrin Lc 22, 70 « Tu es donc le Fils de Dieu », ou au pied de la Croix Mc 15, 39 « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu », cf Mt27,54.

Le 4ème Evangile s’achève aussi sur une telle affirmation par Thomas « Mon Seigneur et mon Dieu » Jn 20, 28  non plus dans le cadre du procès ou de la Passion de Jésus mais après sa Résurrection et comme un appel pour nous à croire « bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru ».

En caricaturant, disons que les synoptiques s’adressent à des croyants pour les conforter dans la foi cf Lc 1,3-4 tandis que le 4ème Ev. invite à la foi :  la divinité de Jésus s’y manifeste au grand jour mais les miracles ne sont encore que des signes puisque parler de miracles présuppose la foi.

 

Vocabulaire johannique:

Jean utilise le vocabulaire et les images religieuses de son temps d’où des formulations parfois proches des milieux baptistes, gnostiques et esséniens. Mais cela ne fait de lui ni l’un ni les autres. Et l’écriture de la 1Jn semble indiquer un refus de récupération de son Ev. par les gnostiques.

 

* signe plutôt que miracles : le signe est une invitation, un appel à la foi

 

Jn 2,11  Tel fut le premier des signes de Jésus, il l'accomplit à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.

Jn 4, [53-54] Le père reconnut que c'était l'heure où Jésus lui avait dit : "Ton fils vit", et il crut, lui avec sa maison tout entière. Ce nouveau signe, le second, Jésus le fit à son retour de Judée en Galilée.

Jn 6 [2] Une grande foule le suivait, à la vue des signes qu'il opérait sur les malades.

[14] A la vue du signe qu'il venait de faire (multiplication des pains)

Jn 6,30 Quel signe fais-tu donc, pour qu'à sa vue nous te croyions ?

 

guérison de Lazare => Jn 11, 45s

pour ceux qui ne croient pas, les signes de Jésus signent son arrêt de mort.

Jn12,18 , Jn12,37 Bien qu'il eût fait tant de signes devant eux, ils ne croyaient pas en lui,

 

* Verbe ou logos :

Jn1,1 VEn avrch/| h=n o` lo,goj( kai. o` lo,goj h=n pro.j to.n qeo,n( kai. qeo.j h=n o` lo,goj)

Manière classique d’exprimer la divinité dans ce qu’elle a de communicable (cf. figure de la Sagesse et Philon d’Alexandrie).

 

* connaissance ou gnose :

Jn18,21 Mais si je les fais, quand bien même vous ne me croiriez pas, croyez en ces oeuvres, afin que vous connaissiez et que vous sachiez bien que le Père est en moi comme je suis dans le Père. "

Jn 17,3 Or la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ

 

D’où un risque de dérive élitiste liant le salut à la connaissance, à un savoir plus ou moins ésotérique…

D’où

1Jn 3 [18-19] Mes petits enfants, n'aimons pas en paroles et de langue, mais en acte et dans la vérité ; à cela nous reconnaîtrons que nous sommes de la vérité

 

* opposition lumière/ténèbres

Jn 1,5 la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise.

Cf Qumran et le combat des fils de la lumière…

 

* opposition matière/spirituel

Chair : Jn 3,6 Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit

Monde : Jn 12,31 C'est maintenant le jugement de ce monde, maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors

Opposition de type manichéénne et qui pourrait faire douter de la réalité de l’Incarnation (cf. monophysisme).

 

* nombreux jeux de mots / ironie…

                Jn 3,3 renaître d’en haut ou à nouveau : a;nwqen

        JE SUIS  cf Ex3,14

            Elévation/exaltation sur la croix

 

* Heure :

            Heure de la glorification par la croix, heure du dessein de salut

            Jn 2,4  Jésus lui dit : "Que me veux-tu, femme ? Mon heure n'est pas encore arrivée."

            Jn 4, [21] Jésus lui dit : "Crois-moi, femme, l'heure vient

            Jn 5,28 elle vient, l'heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix

            Jn 7,30 personne ne porta la main sur lui, parce que son heure n'était pas encore venue.

           

            Jn 12, 23  "Voici venue l'heure où doit être glorifié le Fils de l'homme.

            Jn 12,27  Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c'est pour cela que je suis venu à cette heure.

            Jn 13,1 Jésus, sachant que son heure était venue

            Jn 17, 1 Père, l'heure est venue : glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie

            Jn 19,26-27  "Femme, voici ton fils." Puis il dit au disciple : "Voici ta mère." Dès cette heure-là, le disciple l'accueillit comme sienne.

 

Principales images johanniques :

- L’eau

Jn3,5 « Jésus répondit : "En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. » dialogue avec Nicodème

<=> baptême

Jn 4 : la samaritaine au puits de Jacob.

Cf Jn7,37-38 « [37] Le dernier jour de la fête, le grand jour, Jésus, debout, s'écria : "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive,[38] celui qui croit en moi !" selon le mot de l'Ecriture : De son sein couleront des fleuves d'eau vive. » // Ez 47,1 etc : Jésus est le Nouveau Temple de Dieu ! cf Ap21,22 [22] De temple, je n'en vis point en elle ; c'est que le Seigneur, le Dieu Maître-de-tout, est son temple, ainsi que l'Agneau.

 

Guérison à la piscine de Béthesda, de Siloé

Jn 13, 4-5 lavement des pieds.

Jn 19,34 : « un des soldats, de sa lance, lui perça le côté et il sortit aussitôt du sang et de l'eau ». => baptême et eucharistie : « l’Eglise naît du côté de Christ » JDN p269

 

1Jn5,6 « C'est lui qui est venu par eau et par sang : Jésus Christ, non avec l'eau seulement mais avec l'eau et avec le sang. »

ó 2 natures du Christ, vrai homme et vrai Dieu.

ó réaction aussi contre ceux qui voudraient occulter la Passion, la souffrance en limitant le salut à la question du baptême…

 

            - la Vigne et le Vin

1er signe de Jésus : le vin des noces à Cana. Jn2   eau => vin 

ó la nouvelle alliance par l’ancienne (accomplir pas abolir)

ó du baptême à l’eucharistie   / de l’orthodoxie à l’orthopraxie…

 

Jn 15,1s "Je suis la vigne véritable et mon Père est le vigneron. [5] Je suis la vigne ; vous, les sarments

 

            - le pain

Multiplication des pains (et des poissons) et discours du pain de vie Jn 6

Jn 6,35 « Je suis le pain de vie. Qui vient à moi n'aura jamais faim ; qui croit en moi n'aura jamais soif »   (Jésus, nouveau Moïse, plus grand que Moïse…)

 

Jn 12,24 Voici venue l'heure où doit être glorifié le Fils de l'homme.[24] En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit.

Le pain annonce la Passion.

L’eucharistie synoptique, le pain et le vin  deviennent lavement des pieds : il se donne lui-même (secret du repas eucharistique ?).

Jn 21,13 « Jésus vient, il prend le pain et il le leur donne ; et de même le poisson. »

Poisson = ICTUS : à la fois Jésus et les hommes, l’Eglise.

 

            - le pasteur / l’agneau

Jn 1,29 "Voici l'agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde.

 

Jn 10 [11] Je suis le bon pasteur ; le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis

 

Jn 19

[14] Orc'était la Préparation de la Pâque ; c'était vers la sixième heure.      = midi, heure à partir de laquelle on immolait, au Temple, les agneaux pour la Pâque.

[36] Car cela est arrivé afin que l'Ecriture fût accomplie : Pas un os ne lui sera brisé.   Ex12,46

[37] Et une autre Ecriture dit encore : Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé.          Za 12,10

 

 

Jn 21,15-17  Jésus lui dit : Pais mes agneaux."

Pierre est comme le berger du troupeau à la place de Jésus.

 

 

Composition / Histoire du texte :

 

            Style : sans doute qqs passages de forme poétique allant même jusqu’au strophique comme le Prologue et peut-être Jn 17.

Par ailleurs, « le Jésus de Jn vient de Dieu, et il est donc normal que ses paroles soient plus solennelles et sacrales. » RB p366

 

            [    Inclusions et transitions :

Inclusion = Jn mentionne souvent à la fin d’une section un détail semblable au début de la section. 1,1 & 20,28 (Mon Seigneur et mon Dieu); 1,28&10,40 (Jean baptiste) ;

Transition = motif ou section pivot ou « charnière ».   ]

 

            Des parenthèses ou notes explicatives : Messie&Céphas 1,41-42 ; 6,6  « Il disait cela pour le mettre à l'épreuve, car lui-même savait ce qu'il allait faire »…

 

            Le texte :

Intégrité du texte : l’histoire de la femme adultère (7,53-8,11) est une insertion qui manque dans beaucoup de manuscrit.

 

Par ailleurs, il est probable que les passages mettant Pierre en valeur soient des additions du rédacteur final. Jn20,1-6 ; le chapitre 21 avec 21,7 et sutout 21, 15-17.

La communauté johannique aurait vécu au début sous la conduite de Jean puis de bergers : communauté de type spirituel et sans grande structuration. Mais la montée des hérésies et gnoses ayant nécessité une parole d’autorité pour dire ce qui est vrai/faux et qui est dans l’erreur (excommunication), la communauté johannique se serait rapprochée de la Grande Eglise derrière la figure de Pierre.

Jn 6 « [66] Dès lors, beaucoup de ses disciples se retirèrent, et ils n'allaient plus avec lui.

[67] Jésus dit alors aux Douze : "Voulez-vous partir, vous aussi ?" [68] Simon-Pierre lui répondit : "Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. »

1Jn2 « déjà maintenant beaucoup d'antichrists sont survenus : à quoi nous reconnaissons que la dernière heure est là. [19] Ils sont sortis de chez nous, mais ils n'étaient pas des nôtres. S'ils avaient été des nôtres, ils seraient restés avec nous. Mais il fallait que fût démontré que tous n'étaient pas des nôtres. »

 

           

Plan :  cf CE145 p 7

 

            Jn 1, 1-18 : Prologue

 

            Jn 1,19 – 12,50 : Livre des signes.

           

            Jn 13-20 : livre de l’Heure, ou livre de la Gloire

 

            Jn 21 : Epilogue

 

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Bibliographie :

         - synopse des 4 évangiles, Benoit & Boismard, Cerf, 1990

         -Jésus de Nazareth, Joseph RATZINGER, Flammarion, 2007

         - Cahier Evangile :

                   N° 17 : Lecture de l’Evangile selon saint Jean, 1976

                   N° 31 : Jésus Christ dans l’Evangile de Jean, 1980

                   N° 138 : Les écrits johanniques, Y-M Blanchard, 2006

                   N° 145 et 146 : Evangile de Jésus Christ selon saint Jean :

1-    le Livre des signes (Jn 1-12)

2-    le Livre de l’Heure (Jn 13-21)

par B. Escaffre, 2008

         - Que sait-on du Nouveau Testament ? , R. Brown, 2000, Bayard.

 

Document :

         Un plan de l’évangile johannique   cf. CE145 p 7.

         Pour le travail de groupe :

                   Le récit TOB de Jn 6, 1-15 et la synopse du récit (chez Benoit&Boismard)

                            Questions :

                                      - surligner les différences entre Jean et les synoptiques

                                      - quels sens donner à ces différences ?

                                     

 + le plan du chap. 6 cf. CE 145 p. 32

                            A 6, 1-15 : la multiplication des pains ;

                                      B 6, 16-21 : la traversée nocturne de la mer

                                               C 6, 22-59 : le discours de la synagogue de Capharnaüm : Jésus, le pain de vie

                                      B’ 6, 60-65 : Des disciples lâchent Jésus ;

                            A’ 6,66-71 : la confession de Pierre et l’annonce de la trahison de Judas.

        

 

         Annexe :

                   Le gamin aux 5 pains et 2 poissons, par Jean Aubrun, Les oubliés de l’évangile, p. 85 à 90.