Université des jeunes 17

In’théo  2016-2017

 

Le chrétien dans le monde

 

L’histoire de la DSE depuis le pape Léon XIII – La centralité de la personne humaine, sa dignité, ses droits et responsabilités (anthropologie chrétienne).

 

Introduction :

En Jésus Christ, Dieu s’est fait l’un d’entre nous, Il s’est fait homme, humain révélant ainsi que le salut ne passe pas par l’extraction de notre nature humaine, sa négation ; mais bien plutôt par sa sanctification ou divinisation. Si l’homme parfait c’est Dieu, c’est en Dieu que nous deviendrons véritablement humains.

Par ailleurs, Jésus nous a révélé la nature Trinitaire de Dieu : 1 seul Dieu en 3 personnes. C’est même pour décrire ce mystère divin que le vocable de « personne » a été inventé et par la suite a été appliqué aux hommes. L’homme n’étant plus un individu, rendu humain par socialisation, mais une personne.

 

Ainsi c’est du mystère christique lui-même que découle notre conception de la personne humaine au centre de ce que l’on appellera l’anthropologie chrétienne.

 

Mais si cette anthropologie est dite chrétienne, cela veut dire aussi que si sa vocation, sa portée a valeur universelle i.e. catholique, ce n’est pas encore forcément le cas de sa réception. (Tout le monde n’est pas encore chrétien).

Cependant, longtemps, l’Eglise va se vivre de manière autocentrée sur elle-même, sur Rome, sur l’occident « chrétien ». Dans une société « chrétienne », il n’était pas nécessaire de préciser trop les choses…

Certes des questions se sont posées :

-         Le statut des Amérindiens : controverse de Valladolid en 1550-1551

-         Le non-statut des « nègres »

-         La rencontre avec les cultures orientales surtout à l’époque coloniale.

C’étaient là de vraies questions.

Et elles ont amené certains à chercher des réponses en dehors de la pensée spécifiquement chrétienne voire en opposition avec la religion chrétienne : c’est la philosophie humaniste des « lumières » qui produira en 1789 la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».  De nature areligieuse voire issue d’un positivisme anti-religieux l’idée d’une telle déclaration sera rejetée pendant 2 siècles par l’Eglise catholique…

 

En fait, l’Eglise ne va s’engager véritablement dans le combat social pour les droits de la personne humaine que lorsque ceux-ci vont être remis en cause concrètement dans le territoire de la « chrétienté » par la révolution industrielle.

 


 

I ) contexte historique

Depuis l’aube des temps, les rapports sociaux étaient gérés dans une relation directe de proximité et ce dans pratiquement tous les domaines. Les tensions apparaissant lorsque cette proximité disparait, les rapports d’autorité ou de dépendance étant alors ressentis comme injustifiés et souvent inhumains.

·        Rapports de féodalité : 4 aout 1789 abolition des privilèges

Même chose dans le monde du travail.

Au XIXs on passe de l’artisanat à l’industrie. Du maître (cordonnier, boulanger etc.) transmettant son savoir à un apprenti, à un chef d’entreprise, un capitaine d’industrie gérant depuis son bureau centralisé et manipulant les humains comme des chiffres à la seule recherche du plus grand bénéfice financier.

Or l’accroissement de la population entraine une augmentation de la main-d’œuvre disponible et exploitable.

Cf Germinal de Zola 

 

C’est dans les mines de charbon qu’apparaissent les premières grèves et les premiers syndicats.

Or les syndicats sont interdits par la loi : on fonctionne encore selon les corporations médiévales…

Quant aux grèves, elles sont contraires au respect traditionnel dû à l’employeur.

Col 3,22 Esclaves, obéissez en tout à vos maîtres d'ici-bas,

Les grèves seront réprimées dans le sang…

 


 

Certains patrons chrétiens vont essayer de vivre leur patronat de manière chrétienne : on parlera de paternalisme.

Tandis qu’émerge une nouvelle pensée politique basée sur la lutte des classes : le socialisme.

(le Capital de Karl Marx date de 1867).

 

La réponse de l’Église romaine par son magistère arrivera en 1891 avec le pape Léon XIII dans la première encyclique moderne sociale « rerum novarum » (des nouveautés). Abordant la question ouvrière, l’encyclique dénonce le traitement déshumanisant fait aux ouvriers tout en condamnant l’erreur socialiste.

NB : Léon XIII sans parler de « syndicat » affirme le droit et l’utilité des organisations professionnelles…

Par la suite, les papes s’exprimeront souvent à l’occasion des anniversaires de cette encyclique.

1931 : Pie XI « Quadragesimo anno »  (post crise de 1929)

1961 : Jean XXIII   « Mater et magistra »   (mondialisation)

1967 : Paul VI Populorum progressio

1971 : Paul VI : Octogesima adveniens

1981 : Jean-Paul II  Laborem exercens

1987 : Jean-Paul II   Sollicitudo rei socialis

1991 : Jean-Paul II  Centisimus annus

 

2009 : Benoit XVI Caritas in veritate

                                      François ?

 

Par ailleurs, la dignité de la personne humaine concernant toute vie humaine depuis sa conception et par-delà sa mort, on pourrait ajouter comme faisant part de la DSE :

-         1968 Paul VI   Humanae vitae   sur la régulation des naissances

-         1995 Jean-Paul II     Evangelium vitae    sur l’inviolabilité de la vie (des origines et la fin naturelles)

 (ouvrages et thèmes inclus dans le Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise 2005).

 


 

II) Les principes fondamentaux de la pensée sociale de l’Eglise

4 grands principes universels et durables :

·        La dignité de la personne humaine : socle de tout le reste et dont découlent 4 valeurs fondamentales

o   La vérité

o   La liberté

o   La justice

o   L’amour

·        Le bien commun : dont découle le principe de la destination universelle des biens et l’option préférentielle pour le pauvre

·        La subsidiarité : dont découle le principe de la participation

·        La solidarité

 

4 grands principes mais qui tous sont comme inclus dans le 1er : la dignité de la personne humaine.

 


 

III) La dignité de la personne humaine recouvre l’intégralité de la vie humaine.

a)                     Rerum novarum 

Dès « rerum novarum » le pape Léon XIII associe intérêts spirituels et matériels. « (la vie du corps) est une voie et un moyen pour arriver [.] à la perfection de la vie de l’âme ».

 

-         La misère est à combattre car elle entraine une dégradation des mœurs.

-         Il faut un minimum de temps libre pour se donner à Dieu…

En découle pour Léon XIII un certain nombre de droits et de devoirs mêlés.

Face à la tentation socialiste :

            La liberté

-         « La propriété privée et personnelle est pour l’homme un droit naturel »

§  Cela nous différencie des animaux.

§  C’est une conséquence du travail et de la libre disposition du salaire

§  Le patrimoine et sa transmission renforcent la société domestique

 

-         « Dans la sphère que lui détermine sa fin immédiate, elle (la famille) jouit pour le choix et l’usage de tout ce qu’exigent sa conservation et l’exercice d’une juste indépendance, de droits au moins égaux  à ceux de la société civile »

ð Non-ingérence de la société civile dans les affaires privées « en dehors de l’injustice de leur système »

Réponse chrétienne face au défi prolétaire :

(une vérité difficile à entendre)

-         La patience : (pour ne pas dire une part de résignation)

o   « il est impossible que, dans la société civile, tout le monde soit élevé au même niveau »

ð Egalité en droit mais pas de fait

o   « l’homme n’était pas destiné à vivre dans l’oisiveté », « après le péché » il ne peut échapper au « sentiment de la douleur »

ð Activité : droit au travail & devoir de travailler

ð  souffrance inéluctable (une société purement de loisir serait une abstraction trompeuse)

 

-         La justice

o   L’ouvrier « doit fournie intégralement et fidèlement tout le travail auquel il s’est engagé par contrat libre et conforme à l’équité »

ð On n’est pas tenu par un contrat injuste

o   « quant aux riches et aux patrons » « ce qui est honteux et inhumain, c’est d’user des hommes comme de vils instruments de lucre et de ne les estimer qu’en proportion de la vigueur de leurs bras »

ð Valeur # utilité

ð Rémunération # productivité   (le salaire doit couvrir les besoins du travailleur)

 

-         L’amitié (jusqu’à l’amour)

o   « c’est la considération de cette autre vie qui est immortelle » qui peut seule donner sens et valeur à la vie terrestre

ð Même si la propriété privée est un droit naturel, quant à « l’usage des biens, l’Église répond sans hésitation : « sous ce rapport, l’homme ne doit pas tenir les choses extérieures pour privées, mais bien pour communes, de telle sorte qu’il en fasse part facilement aux autres dans leurs nécessités » St Thomas » »

ó bien commun

ð  destination universelle des biens & option préférentielle pour les pauvres

 

« Rerum Novarum »  contient donc déjà « tout » ce qui fait et fera la DES.

Mais l’ensemble repose sur un présupposé théologique : « (la vie du corps) est une voie et un moyen pour arriver [.] à la perfection de la vie de l’âme ».

ó l’homme est plus qu’un simple corps…

= une anthropologie chrétienne

 

b)                    Une anthropologie chrétienne

La personne humaine est une créature de Dieu _ comme tout le reste _ ,

mais en plus elle est créée à l’image de Dieu _ ce qui n’est dit d’aucune autre créature_ ,

et destinée à sa ressemblance.

Gn 1, [26] Dieu dit : "Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu'ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre."

[27] Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa.

1Jn 3, [2] Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est.

 

-         Toute la création est belle et œuvre de Dieu (et donc à protéger)

-         La personne humaine est au centre et au sommet de la création

y compris du monde invisible cf Credo.

1Co 6,3 Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges? A plus forte raison les choses de cette vie!

-         Image de Dieu : cette dignité de personne nous est donnée gratuitement. Il n’y a rien que nous pouvons faire pour acquérir ou perdre cette dignité. Elle est inviolable et inaliénable.

 

Rq : torturer un homme, même pour en sauver des milliers est immoral.

 

-         La ressemblance avec Dieu est un devenir. L’homme n’est pas un être achevé, figé.

 

Créé par la volonté et à l’image du Dieu unique et trine, l’homme a plusieurs dimensions essentielles et indissociables :

C’est :

-         un être personnel  

-         un être transcendant

-         un être social.

 

NB : certains animaux ont de l’intelligence et peut-être une conscience d’eux-mêmes mais aucun d’eux n’est transcendant…

NB : définition de l’humain… homo capax dei

 

 

·        un être unique : une unité indissociable « corps, âme, esprit »

ð ce n’est pas parce qu’on partage le même ADN que l’on serait une même personne

ð même si on change (on grandit, vieillit…) on reste la même personne

ð qui nous sommes n’est pas lié à tel ou tel membre : le don d’organe ne pose pas de problème

ð deux erreurs à éviter :

§  matérialiste : « je ne suis qu’un corps »

§  spiritualiste : « mon corps, ce n’est pas moi »

dans les 2 cas, on peut en arriver à disposer sans limite de son corps ou de celui des autres… (Hédonisme, avortement, prostitution…)

 

·        un être libre :

ð Dieu nous a créé libre y compris libre de le rejeter

ð La liberté rend le péché possible ; il n’y a de péché que s’il y a liberté

ð La liberté n’est pas illimité : à Dieu seul appartient de déterminer le bien et le mal

ð La personne libre connaît la vérité du bien et du mal grâce au jugement de sa conscience. D’où le devoir de former sa conscience, de l’éclairer.

ð Danger des conditionnements, des « structures de péché »

ð Nul ne peut imposer sa volonté à un autre contre sa conscience

ð Liberté dans l’état de vie : célibat, mariage…

 

·        Un être transcendant :

ð Pas de vrai développement ou progrès sans développement de la culture, de la connaissance, de l’art, de l’éveil religieux

ð Liberté de croire et de se tromper, de changer de religion, de pratiquer sa religion, de la faire partager

NB : liberté de se tromper ou droit à l’erreur ne veut pas dire que l’erreur est des droits…

 

·        Un être social :

ð Nul n’est une île, Thomas MERTON

ð Droit et devoir de socialisation : famille, association, politique…

ð La participation (de ce point de vue, la démocratie serait le meilleur système actuel même si elle n’est pas parfaite)

ð La subsidiarité

 

Mais attention, les droits de la personne sont antérieurs à la société et s’imposent à elle.

 

c)                      Quelques Droits soulignés par la pensée sociale de l’Église catholique

 

·        Droit à la vie et à un digne niveau de vie

o   Droit à l’intégrité corporelle

o   Droit à la protection de la vie depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle

o   Droit à l’alimentation adéquate

o   Droit à l’habit

o   Droit à l’abri

o   Droit au repos

o   Droit aux soins médicaux

o   Droit de fonder librement une famille, droit au mariage, droit à la procréation et à l’éducation des enfants

·        Droit d’adorer Dieu selon sa propre conscience

o   Droit d’exprimer sa foi, dans de justes limites, en privé comme en public, seul ou avec d’autres

·        Droits liés aux valeurs morales et culturelles

o   Droit de vivre dans une famille

o   Droit à épanouir son intelligence, ses connaissances

o   Droit à la liberté d’opinion, et à l’expression de ses opinions

o   Droit à la culture, à l’art, à  l’éducation

·        Droits économiques

o   Droit à un bon emploi

o   Droit à un salaire permettant de vivre dignement (individuellement ou en famille)

o   Droit à la stabilité et à des conditions de travail dignes

o   Droit d’association professionnelle

o   Droit à la propriété privée

o   Droit à l’initiative économique

·        Droits politiques

o   Liberté

o   Participation

o   subsidiarité

·        Droits à l’émigration et l’immigration

o   Liberté de déplacement et de résidence

·        Etc.

 

Devoirs et responsabilités ?

Corolaires des droits, sur le plan personnel comme dans la dimension sociale.

« Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux » Mt 7,12

 

 

 


 

CONCLUSION :

Rien de ce qui concerne l’homme n’est étranger à l’Église.

Extrait du discours de Paul VI pour la  clôture du 2nd Concile de Vatican, le 7 décembre 1965

nous plus que quiconque, nous avons le culte de l'homme.

Et dans l'humanité, qu'a donc considéré cet auguste sénat, qui s'est mis à l'étudier sous la lumière de la divinité ? Il a considéré une fois encore l'éternel double visage de l'homme : sa misère et sa grandeur, son mal profond, indéniable, de soi inguérissable, et ce qu'il garde de bien, toujours marqué de beauté cachée et de souveraineté invincible.

[.] si nous nous rappelons qu'à travers le visage de tout homme - spécialement lorsque les larmes et les souffrances l'ont rendu plus transparent - Nous pouvons et devons reconnaître le visage du Christ (cf. Matt., 25, 40), le Fils de l'homme, et si sur le visage du Christ nous pouvons et devons reconnaître le visage du Père céleste : «Qui me voit, dit Jésus, voit aussi le Père» (Jean, 14, 9), notre humanisme devient christianisme, et notre christianisme se fait théocentrique, si bien que nous pouvons également affirmer : pour connaître Dieu, il faut connaître l'homme.

 

 

 

 


 

Appendice : Et le pape François ?

Nous avons vu que finalement la DSE recouvrait l’ensemble des domaines de la vie humaine. Mais la DSE reste souvent réservée à la discussion entre experts, sa réception par le grand public est très limitée.

Il me semble, que le pape François a changé cela en changeant l’approche et le vocabulaire avec son encyclique « Laudato si , sur la sauvegarde de la maison commune » »

Il y parle de l’écologie intégrale  n°137 :

-         Ecologie environnementale, économique et sociale n°138

-         Ecologie culturelle n°143

-         Ecologie de la vie quotidienne n°147

-         Principe du bien commun  n°156

-         Justice entre génération n°159

Cette encyclique est donc au cœur même de ce qu’est la DSE.

 

 


 

 

 

 

Question : peut-on renoncer à un droit ?

NB : En France, le décret du 13 février 1790 a interdit les vœux monastiques considérés comme une  « aliénation ».

L'introduction à la Constitution de 1791 (3 septembre 1791) stipule : « La loi ne reconnaît plus ni vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution ».

 

 

 

Question : peut-on torturer un terroriste pour empêcher un attentat ?

 

 

Question : un salaire en fonction des besoins ?